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Dans un arrêt rendu récemment par la Cour d’appel de Reims, les conseillers ont dû s’interroger sur la validité de contrats d’assurance garantissant le remboursement de différents prêts professionnels souscrits par un assuré n’ayant pas déclaré son traitement pour l’hypertension artérielle (HTA), alors même que le décès survenu est sans lien avec l’absence de déclaration effectuée.
Avant d’analyser la décision rendue, il ressort clairement de cette décision les points suivants :
- L’assuré est obligé de déclarer l’ensemble de ses pathologies à la compagnie d’assurance au bénéfice de laquelle il sollicite la garantie d’un risque ;
- La précision des réponses s’apprécie à la précision des questions ;
- En cas de question univoque, il ne s’agit pas d’omission fautive mais d’une fausse déclaration entrainant la nullité du contrat même si elle est sans influence sur le sinistre
1. Les faits de l’espèce.
En l’espèce, un assuré souscrit divers contrats d’assurance dans le cadre de prêts professionnels en cas de réalisation des risques de décès, perte totale et irréversible d’autonomie, et d’incapacité de travail par suite de maladie ou accident.
Pour cela, l’assuré a dû remplir différents questionnaires de santé.
L’assuré décède ensuite d’un cancer du poumon après un diagnostic posé moins d’un an avant.
L’épouse du défunt s’est rapprochée des compagnies d’assurance pour la mise en œuvre des garanties souscrites dans le cadre des prêts professionnels.
Il lui a été opposé un refus pour « réticences et fausses déclarations au moment de la souscription ».
En effet, selon un questionnaire médical du médecin traitant de l’assuré rédigé après le diagnostic posé du cancer du poumon, il apparait un antécédent de prothèse de hanche et d’hypertension artérielle traitée depuis 2002. Cette dernière pathologie n’avait pas été porté à la connaissance des compagnies d’assurance.
Des renseignements médicaux complémentaires devaient leur être communiqués lorsque l’assuré est décédé.
Ainsi, les assurances ont considéré qu’en ne déclarant pas le traitement pris pour l’hypertension artérielle depuis 2002, l’assuré avait commis une fausse déclaration invalidant les contrats et ont ainsi refusé toute prise en charge.
Il importe de souligner que selon l’attestation du médecin traitant de l’assuré, le décès de ce dernier est sans rapport avec le traitement pris à la suite de l’hypertension artérielle.
Une procédure judiciaire s’en est suivie.
2. La procédure.
L’épouse a agi en justice et a obtenu gain de cause en première instance.
Le Tribunal de Troyes (Jugement du 05.04.2019) a estimé que l’assuré n’avait commis, qu’au plus, une omission fautive sans établir une volonté délibérée de tromper son assureur sur le risque à garantir, et qu’il n’est pas démontré que si la pathologie non déclarée l’avait été, le risque à assurer aurait été différent.
Les compagnies ont interjeté appel et la Cour d’appel de Reims leur a donné raison. Cette dernière a donc infirmé le jugement de première instance [1].
La Cour rappelle tout d’abord que l’assuré est tenu de déclarer les risques médicaux lors de la souscription de tout contrat mais également d’en informer l’assureur en cas de changement de circonstances durant la vie de ce contrat.
Par ailleurs, pour faire droit aux prétentions des compagnies d’assurance, la Cour se focalise sur les questionnaires de santé qui avaient été adressés à l’assuré.
Les magistrats considèrent que « la qualité des réponses s’analyse en considération de la qualité des questions ».
Pour cela, il a été retenu que les questionnaires étaient clairs et précis et que la réponse devait l’être tout autant :
- Etes-vous soumis actuellement à un traitement médical, à des soins, à une surveillance médicale ?
- Au cours des 10 dernières années, vous a-t-on prescrit un traitement médical de plus de 21 jours pour troubles cardiaques, vasculaires, hypertension artérielle phlébite ?
L’assuré a coché la case : non « ᴓ »
C’est ainsi, que la Cour d’appel considère que l’assuré n’a pas commis une omission mais bien une fausse déclaration.
Il en a été déduit une mauvaise foi de l’assuré au regard de cette déclaration erronée, en raison du traitement ancien prescrit contre l’hypertension qui réclame une prise médicamenteuse journalière.
La Cour d’appel ajoute par ailleurs un élément essentiel sur l’opinion que doit se faire la compagnie d’assurance pour garantir un risque. Les déclarations doivent permettre d’avoir une vision précise de l’état du risque.
C’est ainsi que la Cour ajoute « il importe peu que le risque omis ou dénaturé ait été sans influence sur le sinistre (…) et que Monsieur X ne soit pas décédé des suites d’un problème lié à son hypertension mais d’un cancer du poumon ».
C’est ainsi que la nullité des adhésions aux contrats d’assurance souscrits par le défunt assuré pour couvrir les risques de décès, de perte totale et irréversible d’autonomie et d’incapacité de travail par suite de maladie ou d’accident, et de garantir le remboursement des prêts souscrits a été ordonnée.
3. L’analyse.
De prime abord, cette décision peut sembler injuste puisque l’absence de déclaration de la pathologie par l’assuré n’est pas à l’origine du risque réalisé.
Rappelons que le médecin traitant de l’assuré avait attesté que le décès survenu était sans lien avec l’hypertension artérielle dont souffrait son patient.
Pour autant, à la lecture précise des faits et notamment de la réponse apportée par l’assuré à deux questions sans équivoques, la justification grandit.
Une question précise doit avoir une réponse précise, cela permettant à l’assurance d’apprécier le risque effectif à garantir.
La Cour se fonde sur les dispositions de l’article L113-2,3° du Code des assurances disposant :
« L’assuré est obligé :
1° De payer la prime ou cotisation aux époques convenues ;
2° De répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ;
3° De déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus ».
C’est ainsi que le caractère exact des réponses est exigé lors du formulaire de déclaration remis à l’assuré.
La Cour rappelle également que l’assuré a reçu l’information en caractère très apparents de la sanction encourue prévue à l’article L113-8 du même Code lequel précise :
« Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.
Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.
Les dispositions du second alinéa du présent article ne sont pas applicables aux assurances sur la vie ».
Par voie de conséquence, en réalité la Cour n’a fait qu’une stricte application des textes issues du Code des assurances sur l’application des obligations légales de l’assuré.
Considérant que la réponse apportée par l’assurée concernant l’hypertension était inexacte en raison du traitement qu’il suivait depuis de nombreuses années, la Cour a retenu que les assureurs ne pouvaient pas apprécier les risques qu’ils prennent en charge.
La sanction apportée par les dispositions de l’article L113-8 du Code des assurances précise d’ailleurs sans interprétation possible qu’une fausse déclaration intentionnelle de l’assuré sur une réticence ou fausse déclaration entraine la nullité du contrat et ce peu important qu’elle soit sans influence sur le sinistre.
La question essentielle est donc nécessairement la caractérisation de la réticence ou fausse déclaration intentionnelle.
Le caractère de déclaration erronée peut s’apprécier aisément avec le témoignage de médecins ou d’experts médicaux sur les antécédents d’un assuré.
Néanmoins, le caractère intentionnel est lui plus difficile à démontrer. Preuve en est, les juges de première instance ont admis que l’assuré n’avait pas commis de fausse déclaration intentionnelle mais une omission fautive sans volonté délibérée de tromper son assureur.
L’appréciation en a été différente par la Cour d’appel et ce notamment au regard du traitement ancien et de son caractère quotidien que cela implique conduisant nécessairement l’assuré à ne pas omettre une telle information.
Elle précise d’ailleurs que la question étant claire et précise, elle ne se confond pas avec celle de savoir si l’assuré se sentait malade de son hypertension ou s’il ressentait des symptômes handicapants pour ses activités personnelles.
Qu’il en résulte un caractère volontaire et donc une mauvaise foi de l’assuré justifiant que soit retenue la commission d’une fausse déclaration intentionnelle.
Cette décision est donc, somme toute logique et justifiée.
Pour autant, cela doit permettre de mettre en garde les futurs assurés sur le rappel de leurs obligations déclaratives.
La souscription d’un contrat d’assurance nul n’a aucun effet et ne pourra donc pas trouver à s’appliquer en cas de sinistre.
Cet arrêt d’espèce concerne la souscription de prêts professionnels mais l’application des dispositions légales est générale à l’ensemble des contrats souscrits, et notamment les prêts immobiliers.
La vigilance est donc de mise lors des déclarations médicales.